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Alain Vaillant, mauvaise herbe croît toujours...

lundi 19 janvier 2009

Extrait du 23 Hiver 2008-2009

Passé du syndicalisme au militantisme écolo, Alain Vaillant est aujourd’hui président de l’association Nord Nature Chico Mendès, qui agit pour la biodiversité et l’éducation à l’environnement. Il y a deux ans, il a participé à la création de Virage Energie. Avant tout, ce dynamique retraité cherche à réconcilier l’Homme avec la nature. « Car il n’y a qu’avec elle que l’on pourra s’en sortir », déclare-t-il avant de laisser échapper un de ses sonores éclats de rire.

Le 23 : Quel est l’élément déclencheur de votre engagement pour l’écologie ?

Dans les années 70, j’étais prof de math et syndicaliste, je faisais du « social professionnel ». Mais j’ai vite pris conscience de l’urgence environnementale. Pour faire du social, il faut d’abord être vivant.

Le 23 : Avec quelle association avez-vous fait vos premiers pas vers la nature ?

En 76, j’ai adhéré aux Amis de la Terre de Merville. A l’époque, on était juste un groupe de Gaulois dissidents qui avaient envie d’agir ensemble pour faire bouger les choses.

J’ai ensuite suivi une formation de guide nature, et rejoint l’association des Guides Nature des Monts de Flandre. Une manière de renouer des liens d’amitié entre les hommes et la nature.

Puis il y a eu toutes les manifs antinucléaires, Gravelines, Plogoff en 80… Quelques années plus tard, j’ai rejoint la fédération Nord Nature Environnement, qui avait une dimension régionale. Il y a deux ans, poussé par l’urgence, j’ai participé aux débuts de l’aventure « Virage énergie Nord Pas de Calais ». Le but était de trouver un scénario d’action contre le réchauffement de la planète. Nos propositions sont ambitieuses : division par 4 d’ici 2050 des émissions de gaz à effet de serre et non renouvellement des réacteurs nucléaires de Gravelines… Plus modestement, l’objectif est avant tout de mettre le soleil au centre de nos énergies. L’énergie solaire, c’est mon cheval de bataille personnel. En 79, j’ai bricolé mon premier chauffe-eau solaire. Depuis, j’ai fait installer sur mon toit des panneaux photovoltaïques et j’ai bricolé une cuisinière solaire…

Le 23 : Quel est votre rapport personnel avec la nature ?

Je suis incapable de vivre en ville. J’ai besoin de nature, la vraie, pas domestiquée, pas celle où les brins d’herbe sont au garde à vous entre deux allées de bitume. C’est le principe de la gestion différenciée des espaces verts. En réalité, il s’agit simplement d’un retour à la nature dans sa forme la plus simple, la plus belle. Faire d’une pelouse rase une prairie fleurie par exemple. Y observer le foisonnement du vivant que cela occasionne. C’est aussi un des buts de l’opération Chico Mendès : « renaturer » des espaces. On y implique les enfants des écoles proches, les collectivités, d’autres associations…

Comment sont perçues les actions de Nord Nature Chico Mendès ?

Les citadins et les ruraux ont encore peur du vivant. Les espaces Chico Mendès laissent la nature s’exprimer davantage. Pour beaucoup, c’est juste « pas rangé » : « Quel manque d’entretien, alors que tout de même, on paie nos impôts ! ». Il y a un vrai problème de communication sur ce point. Il faut faire évoluer les mentalités, pour que les gens réapprennent à aimer la nature.

Qu’est-ce qui vous révolte aujourd’hui ?

Si tout le monde consommait comme les Français, il nous faudrait deux planètes. Il faut arrêter ces conneries. Une telle consommation effrénée n’a aucun sens et elle est mortifère.

Il faut aussi arrêter avec ce culte de la croissance. Depuis quarante ans, l’augmentation des richesses produites n’a pas réduit les inégalités, loin de là. Lorsque Coluche a fondé les restos du cœur, il pensait que cela serait provisoire. Force est de constater qu’il n’en est rien aujourd’hui.

Qu’est-ce qui vous porte dans vos combats ?

D’abord, le plaisir d’ouvrir ma gueule. On a parfois l’impression de se battre contre des géants. On se prend des baffes, mais on continue. Sisyphe peut choisir son rocher. Remettre sans cesse son ouvrage sur l’établi fait partie de la condition humaine.

Quels sont selon vous les principaux défis du militantisme aujourd’hui ?

Le manque de jeunes ! Aujourd’hui, les jeunes sensibles à l’écologie choisissent directement un métier en lien avec l’environnement. Ils s’engagent de moins en moins dans le circuit associatif. Il faut que l’on réussisse à concerner les jeunes.

Et pour l’avenir ?

Je suis à la retraite depuis 4 ans. Je manque de temps pour réaliser tout ce dont je rêve, je voudrais continuer encore longtemps. Tant que je suis debout, je l’ouvre.

Propos recueillis par Noémie Coppin