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Louisette Farégniaux, c’est pas (que) du cinéma !

mardi 25 janvier 2011

Extrait du 23 n°202 - hiver 2010-2011

Question : Qui est tout à la fois syndicaliste, professeur militante engagée contre toutes formes d’injustices, contre le racisme au sein du MRAP, réalisatrice de films documentaires et maître de conférence à la Faculté de Filmologie de Lille III ? Louisette Farégniaux bien sûr ! Cette grande dame est une figure de la scène militante lilloise.

Louisette, vous êtes présente dans toutes les manifestations et actions revendicatives de droits, même votre carrière professionnelle est indissociable de vos activités militantes. Dites-nous en un peu plus, pourquoi et comment ?

Question d’héritage familial, je crois. Un grand père syndiqué toute sa vie, des parents enseignants en Avesnois où ils se sont installés, farouches défenseurs de l’École publique, également syndiqués. Papa a d’ailleurs créé une section locale du SGEN*. Tout cela a fait que mes premières années ont baigné dans une atmosphère revendicative de gauche. A l’âge de 10 ans, j’ai accompagné mes parents à une conférence sur la guerre d’Algérie. J’ai été particulièrement marquée par le témoignage d’un appelé.

Et puis ensuite je peux citer toute une série de dates, d’événements, de rencontres qui ont chaque fois renforcé mon indignation et mon désir de me battre contre toutes les formes d’injustices et de discriminations :
 mon arrivée à la Fac de Lille en licence de lettres ; je participe très vite aux événements de 68,
 à la fin des années 60, ma première affectation en tant que prof de français, à Tourcoing dans le quartier de la Marlière, à l’époque particulièrement défavorisé. Je prends rapidement des responsabilités pédagogiques, ainsi qu’au SGEN1 local, ce qui me permet de mettre en place avec et pour les élèves de nombreuses activités,
 1972, le jour de mes 25 ans, ma nomination à un poste d’assistante à la Fac de Lille 3, j’y retrouve des connaissances de 68 qui se sont radicalisées et je suis un temps proche du mouvement marxiste léniniste,
 1974, la formation d’un groupe vidéo qui va me donner l’occasion de suivre et de filmer les grandes grèves du textile qui se déclenchent dans la région, La Lainière, Motte Bossut, Thiriez... Sur la lancée, l’année suivante, juste après la révolution des œillets, je réalise un film au Portugal sur le syndicalisme portugais,
 1976 et la grande grève des étudiants, je suis de très près les mouvements de défense des étudiants étrangers, marocains, tunisiens, iraniens, revendiquant leur régularisation, la plupart étaient des opposants ayant fui leur pays pour éviter la prison voire pire. Je m’investis dans le comité de défense des étudiants mis en place par des syndicalistes, en particulier dans le long combat qui a été mené pour la régularisation d’Ali Medjahed menacé d’expulsion,
 1977, quand participant à un collectif antiraciste dans le Vieux Lille, je croise la route de Dominique Cresson, militant de l’APU Vieux Lille,
 1978, date à laquelle je rejoins le MRAP2, que je n’ai plus quitté depuis,
et enfin au milieu des années 90 la montée des mouvements de sans papiers, la création du CSP 593 en 96, les premières grèves de la faim des sans papiers lillois, le combat pour la dignité, la reconnaissance et l’égalité des droits que j’ai soutenu dès le début, que j’ai fait mien. C’est pourquoi je suis membre de la commission juridique du CSP59.

« J’ai mené en parallèle deux passions qui se sont souvent croisées, celle pour plus de justice, et celle pour le cinéma ».

Vous avez parlé à plusieurs reprises de cinéma. C’est quelque chose de très important pour vous, c’est indissociable du militantisme qui est le vôtre ?

Le cinéma, une passion oui. Mes parents souhaitaient que je fasse carrière dans l’enseignement, mais depuis toute jeune, j’étais intéressée par le cinéma et voulais travailler dans ce milieu. En parallèle aux études de professorat j’ai entrepris un module de cinéma. Je me souviens, au début nous n’étions que deux. Le cinéma est une incroyable fenêtre ouverte sur le monde qui permet de découvrir tant de personnages intéressants et de cultures différentes. Bien sûr, j’ai filmé et réalisé des films documentaires sur des luttes diverses, des mouvements sociaux, etc. parce que c’est aussi un bon outil de communication, de sensibilisation, et de mémoire, mais je m’intéresse à l’ensemble du cinéma. C’est vrai que j’ai mené parallèlement deux passions qui se sont très souvent croisées, ma passion pour plus de justice et plus de fraternité entre les peuples et ma passion pour le cinéma. Je me souviens d’ailleurs avoir au début des années 80 sur la radio pirate Radio Lille présenté une émission sur le cinéma et une autre sur l’immigration. J’ai aussi animé une émission sur le cinéma pendant plusieurs années sur Radio Campus.

Vous êtes aussi à l’origine de quelque chose qui dure depuis 30 ans et vous n’en parlez pas ! Si je vous dis « Collège Franklin » ?

Oui bien sûr, l’aumônier du Collège Franklin de Lille. Il voulait mettre en place quelque chose sur le cinéma avec des élèves du collège. Avec quelques autres anciens étudiants en 1980, nous avons créé le Festival des jeunes réalisateurs devenu le Festival de l’Acharnière, Festival de films engagés et de films de la région Nord Pas-de-Calais, qui dure depuis 30 ans.

Un passé bien riche, un présent bien rempli (la preuve, votre portable ne cesse de vibrer !), et l’avenir ? Demain, c’est quoi pour vous ?

Plein d’espoir. Sinon à quoi servirait de résister et se battre pour un monde meilleur !

Propos recueillis par Claude Pruvot

1 SGEN : Syndicat Général de l’Éducation Nationalel
2 Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples
3 Comité de Soutien aux Sans Papier 59