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Mireille Havez, infatigable militante

samedi 18 octobre 2008

Extrait du 23 n°193 - automne 2008

« Ce n’est pas mon parcours qui compte, mais celui de l’humanisation de la société. »

Vice-présidente de la MRES, Mireille Havez est membre d’EDA (Environnement Développement Alternatif), association qui cherche à promouvoir un autre mode de développement, soucieux à la fois des hommes et de l’environnement. Suite logique d’une vie de militante dédiée à ce qu’elle appelle l’ « émancipation humaine ».

Mireille Havez, pouvez-vous nous retracer votre parcours de militante ?

J’ai commencé à militer en 1960 à l’UNEF (Union Nationale des Etudiants de France) quand ce syndicat étudiant s’était engagé pour la paix en Algérie et contre la résiliation des sursis des étudiants pour les envoyer à la guerre. J’ai continué ensuite à y militer, mais davantage pour améliorer les conditions de vie étudiantes. Quand je suis devenu professeur dans l’enseignement secondaire, je me suis syndiquée. Mais je sentais aussi qu’il fallait un relais. Alors, parallèlement, en 1974, j’ai adhéré à un parti politique. Je suis entrée au Parti Communiste, parti que je n’ai jamais quitté depuis. En quelque sorte, je suis aussi « rouge » que « verte ». C’est assez atypique à la MRES… J’ai aussi milité au Mouvement de la Paix, notamment lorsque la France s’est dotée de l’arme nucléaire, puis aussi lors de la guerre du Golfe. Dans les années 80 j’ai aussi fait partie d’une association de solidarité internationale qui s’appelait « France Amérique latine ». C’était au temps du Mouvement des sans-terres.

Parallèlement, grâce à des rencontres et à des lectures, j’ai peu à peu compris l’ampleur des pollutions et des gâchis engendrés par « la société de consommation » que je considérais déjà comme lourde d’inégalités, entre individus et entre peuples. C’est cette double préoccupation que j’ai rencontrée à EDA, et j’ai adhéré en 1991. Durant mes premières années de militante écolo, j’apparaissais comme la « madame déchets » d’EDA : le sujet m’intéressait, peut-être en raison de ma formation de chimiste, et il était d’actualité, avec la loi de 1992. Mais très vite, à EDA, quand on saisit un fil, on se retrouve avec tout un panier de pelotes !

Retiendrez-vous des moments particulièrement forts ?

Je ne fais pas de hiérarchie. Mai 68 était évidemment un moment émotionnellement fort. Mais je me souviens surtout d’un combat que j’avais mené, avec d’autres, contre le projet de fermeture d’un lycée à Wattrelos où j’étais prof. On voulait le regrouper avec un lycée de Roubaix. Nous avons protesté. Nous avons plaidé qu’il était nécessaire de le maintenir pour la mixité sociale. Finalement, le Rectorat nous a écoutés, et ce fut une satisfaction syndicale.

En ce qui concerne les moments difficiles, le plus marquant est pour moi, mai 81, l’élection de François Mitterrand à la Présidence de la République. J’avais voté pour lui, mais je savais qu’on allait enterrer les vraies raisons pour lesquelles on s’était battu. Je savais que ça n’aboutirait pas. Ce n’était pas vraiment un échec, mais ce fut un moment douloureux pour moi.

Et si vous aviez à tirer un bilan de votre vie militante ?

Mon parcours n’est pas fini. Aucun parcours n’est jamais fini. Il y aura toujours besoin d’actions collectives. J’ai personnellement toujours envie, et je militerai encore tant que j’en serai capable. Il n’y a pas d’émancipation humaine sans actions collectives. Il y a toujours des améliorations à faire. Ce n’est pas mon parcours qui compte, c’est le parcours d’humanisation. De l’humanisation de la société. Ce n’est évidemment pas limpide, linéaire, mais plutôt en zig zag. L’homme est un animal social, et l’action collective fera toujours partie de sa dimension sociale. Il faudra toujours se battre pour améliorer les conditions de vie des hommes et les relations entre eux. C’est cela qui compte.

Quel regard portez-vous sur le militantisme d’aujourd’hui ?

Je trouve que ce sujet-là est un peu tarte à la crème. Le monde change sans cesse, et il est évident que le militantisme s’y adapte, c’est normal. Mais contrairement à ce qu’on peut entendre, les nouveaux militants ne sont pas plus individualistes ou consuméristes qu’avant. Les formes ont changé, les conditions changent, mais pas le militantisme en tant que tel.

Propos recueillis par Jérôme Lagae